Baltazar « El Ultimo »

 

 

Il est là, comme convenu, assis sur une motte de paramo*. La brume ne laisse apparaître qu'une vague silhouette. Arrivant à sa hauteur pour le saluer, je vois un homme de petite taille, coiffé d'un chapeau de feutre et d'un poncho bleu marine qui me tend la main.

Sa façon de me serrer la main me parait celle d'un enfant. J’ai du mal à imaginer qu'il peut avoir la force de ces colosses qui arrachent la glace à ce volcan gigantesque : le Chimborazo.

 

 

Hieleros, (les hommes glace) en Equateur, ils étaient plusieurs dizaines au début du XXème siècle et alimentaient en glace tous les marchés de la région du Chimborazo jusqu'à Guayaquil et même jusqu'à la ville de Quito.

C’étaient des caravanes d'une vingtaine de mules qui montaient et descendaient les pentes escarpées et glissantes du volcan, les veilles de marché, chaque mule portant deux blocs de quinze à vingt kilos chacun. Ainsi plusieurs tonnes de glace étaient arrachées au glacier, chaque semaine, à la seule force des bras des hieleros.

 

Le monde moderne a fini par avoir raison de ces forçats de la glace. Les réfrigérateurs et autres congélateurs ont, peu à peu, remplacé les blocs de glace descendus du glacier à dos de mule.

 

 

Aujourd'hui, il reste un homme, un seul, qui continue à faire des allers et retours entre les cimes et la ville, non pas par tradition, mais parce qu’il n'a jamais fait autre chose et qu'il reste quelques marchands de “raspados“, la fameuse boisson à base de jus de fruits et de glace pilée.

 

 

Il se nomme Baltazar et il est le dernier hielero ; après lui, ce métier n'existera plus.

 

 

 

*Steppe à graminées vivaces, en touffes serrées et hautes, au-dessus de 3 200 m dans les Andes.